Prendre le train en 1845 vers La Teste : extraits d’un guide d’époque savoureux…

Extraits du guide « Voyage en train entre Bordeaux et le Bassin d’Arcachon en 1845 » par Oscar Dejean. Aujourd’hui,  la suite des « gares du parcours ».


Offrez vous une pause, et prenez le temps de déguster quelques extraits qui nous replongent à la fin du XIX siècle sur le Bassin…


NB : Les intertitres et commentaires en italique sont de la rédaction d’InfoBassin


Gare de Verdery


(L’étymologie de Croix d’Hins)


Un peu avant d’arriver à la prochaine gare, nous voyons, à droite, l’ancienne auberge de la Croix de Heins, aux alentours de laquelle sont de magnifiques prairies, de fort bons labours, de vieux pins, des chênes séculaires. Le nom de ce petit quartier, dépendant de la commune de Cestas, présente une étymologie que nous croyons devoir donner ici :


Les Gascons ayant l’habitude de faire souvent permuter F. et H., heins, dans leur langage, signifie la même chose que feins, vieille locution française créée pour rendre le mot latin fines, que nous traduisons aujourd’hui par limites.

Or, comme ce quartier, dans lequel s’élevait une croix vénérée, servait de limite entre le territoire des fondateurs de Bordeaux, les Bituriges Vivisques, et le pays des Boyens, nommé plus tard captalat de Buch, il dut nécessairement prendre le nom de Croix des limites ou Croix de heins, qu’il a conservé jusqu’à nos jours.

Il était de plus traversé par une ancienne voie romaine dont le temps n’a pas encore effacé toutes les traces et qui conduisait de Bordeaux à Dax (Aquæ Tarbellicæ)(1), en passant par le bois de Gaginet, les bois de Heins, Lamothe, Boyos, Losa, etc., etc. …/…


Gare de Teste-More* ou Marcheprime


(L’origine du nom de Marcheprime)


La gare de Marcheprime


Le convoi s’arrête toujours ici pour renouveler sa provision d’eau et prendre, s’il est nécessaire, de nouveau combustible. Pendant que le tender se remplit, le voyageur peut descendre pour examiner la locomotive qui l’emporte avec tant de vitesse et de facilité ; il met ainsi à profit les dix ou quinze minutes que dure l’opération, et se procure un véritable plaisir, car la vue de cette puissante création du génie de l’homme excite sans cesse l’étonnement et la curiosité…


*Ou Testemaure, lieu-dit dont le nom finira par être oublié au profit de Marcheprime, qui était le surnom l’aubergiste Pierre Ramon (francisé en Raymond), connu pour être toujours pressé, se déplaçant à petits pas rapides (en gascon l’adjectif « prim » signifie mince, menu, minutieux). L’auberge adopta ce nom, puis le lieu, et la future commune le fit sien aussi.


Gare de Biard


(L’origine des échasses / tchanques)

Nous sommes toujours au milieu des landes, et la seule distraction qui se présente quelquefois en courant dans ces parages est la vue de bergers huchés sur de longues échasses appelées en patois tchanques. Cette espèce de piédestal est indispensable pour surveiller les troupeaux de brebis qui se perdent dans les bruyères, et pour traverser des basfonds couverts très souvent de plus d’un mètre d’eau.


Berger sur ses tchanques


Avec une bonne paire d’échasses, un homme, habitué à ce moyen de locomotion fait très facilement huit à dix kilomètres par heure. L’administration des postes a adopté cette coutume du pays, et dans le département des Landes le service rural est fait presque partout par des hommes à échasses, que l’on appelle des tchanquats.

Quand les eaux sont trop hautes, que les rivières sont débordées, un tchanquat passera sans difficulté où un homme à cheval courra le risque de se noyer ; aussi n’est-ce pas sans un certain orgueil que le Landais monte sur ses échasses, action pour la désignation de laquelle il a créé, dans son idiome, un verbe tout exprès : se tchanqua, monter sur ses échasses ; à l’impératif : « tchanque-té », monte sur tes échasses.

Le patois landais emploie généralement peu de mots pour exprimer une idée ; il est expressif, riche en locutions diverses et souvent très harmonieux.


Gare de Facture


(Fondre les minerais de fer)


Cette gare est une des plus importantes de la ligne; elle reçoit les voyageurs qui viennent des communes limitrophes du bassin d’Arcachon…/… À gauche et derrière la forêt, est situé au lieu appelé Ponneau, un hautfourneau destiné à fondre les minerais de fer que l’on extrait dans la contrée. Les produits de cette usine, dont la position est fort belle, mais la simplicité par trop grande, se convertissent principalement en plaques de cheminées, poteries, grilles, tuyaux, etc., tout cela en première fusion…/…


(Les pierres du château de Certes)

Les marais que l’on traverse ensuite sont ceux de Lamothe ; ils sont constamment submergés en hiver. Au milieu d’eux et sur la droite, de l’autre côté de la route départementale, qui passe là sur le pont appelé de Leygat, on aperçoit, parmi les arbres, le faîte d’un pavillon construit récemment par le directeur du fourneau de Ponneau, au lieu même où existait autrefois la Tour du Castera, vieux débris de fortifications anciennement détruites par les Normands, que M. le marquis de Civrac fit démolir à son tour, vers le milieu du XVIIIe siècle et dont il transporta les matériaux à Certes, pour y bâtir son château.


Gare de Lamothe



(Le rôle de La Leyre)

En arrivant à cette gare on traverse, au moyen d’un solide pont en bois de 66 mètres de long sur 4 mètres 10 centimètres de large, la petite rivière appelée la Leyre, qui, après avoir doublement pris sa source d’un côté à la limite du département des Landes au-delà de Luxey, et de l’autre entre Sabres et Arjuzanx, passe sur le territoire d’un grand nombre de communes de la Gironde et des Landes, et se jette dans le bassin d’Arcachon à environ cinq kilomètres du point où nous la traversons. À quelques centaines de mètres sur la droite on aperçoit le pont de la route départementale, emporté par l’inondation de janvier 1842 et que l’on n’a achevé de reconstruire que vers la fin de 1843.


La Leyre, qui, par elle-même ou par ses affluents, sert de force motrice à un très grand nombre d’usines, n’est point navigable et ne peut servir au flottage que sur une petite étendue ; mais on a entrepris en 1844 d’en opérer la canalisation, et les travaux se continuent avec persévérance. C’est là une amélioration très utile au chemin de fer surtout dont les transports s’accroîtront considérablement, en ouvrant aux produits des Landes un débouché nouveau, et donnant au pays un moyen plus économique de s’approvisionner à Bordeaux.



(La fontaine Saint Jean « miraculeuse » pour guérir des yeux)

En quittant la gare de Lamothe, située à 39 880 mètres de Ségur, on aperçoit, à gauche, une ancienne fontaine, indiquée par un petit dôme en maçonnerie, dont la précieuse vertu consiste, d’après la croyance locale, dans la prompte et infaillible guérison des maux d’yeux ; elle se nomme Fontaine de Saint-Jean. Il y a, du reste, plusieurs fontaines semblables dans les Landes, portant toutes le même nom et jouissant de la même propriété ; ce qu’il y a de certain, c’est que l’eau de ces sources renommées est toujours très pure, d’un fort bon goût et de la plus grande fraîcheur ; n’est-ce pas là le meilleur remède pour les yeux malades ?


A suivre….


Le prochain épisode : « Les gares de la ligne (suite et fin) »

L’intégralité des chapitres est à retrouver dans le livre « Voyage en train entre Bordeaux et le Bassin d’Arcachon » par Oscar Dejean. Paru aux Editions bas du pavé, 184 pages avec de nombreuses illustrations et photos anciennes. 15€. Disponible chez votre libraire autour du Bassin ou en commande.

Pour commander directement chez l’éditeur par internet, c’est ici.


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