Histoire : L’arrêt brutal des marais salants de Lanton (2/2)
Lanton au XVIIIe siècle : La chute et la fin de la spéculation sur les marais salants (2/2)
D’après Pierre Labat (1920-2013)
13/02/19
Le Bassin a son histoire. Et les membres de la Société Historique et Archéologique d’Arcachon et du Pays de Buch (SHAAPB) la content fort bien. Ils éditent une revue régulière à laquelle vous pouvez vous abonner. C’est passionnant, et nous leur ouvrons nos colonnes…
Michel Lenoir, Directeur de Publication
2ème partie
Un contrat avantageux
Le grand intérêt de ce contrat signé en 1770, tient au fait que sa rentabilité repose essentiellement sur l’exonération des taxes et qu’il suffit de trouver des relais financiers, d’une durée de 5 à 6 ans, pour financer les travaux.
Les terrains concédés ne couvrent pas toute la paroisse de Lanton, mais seulement, comme indiqué précédemment, la partie des prés salés allant jusqu’au chenal du Renêt. Au-delà de cette limite, se trouvent les plages de sable de Cassy et Taussat.
Le contrat est extrêmement précis sur le contrôle de la production par les préposés de Civrac et de Langouran. Il contient aussi certaines dispositions favorisant la venue à Certes de sauniers vendéens et saintongeais et stipule également le transfert du bénéfice des deux arrêts accordant l’exonération des droits d’exploitation du sel (c’était la clause essentielle).
Langouran s’engage alors à consentir à Civrac un prêt de 90 000 livres destiné à rembourser les différents emprunts effectués pour les endiguements.
L’exécution des travaux à Lanton
Les grandes digues qui partent du port de Cassy longent le Roumingue, les prés de Lanton et se raccordent avec celles de la presqu’île de Branne.
Elles constituent aujourd’hui le sentier du littoral. Pour permettre la création des digues intérieures, il est nécessaire de détourner les deux ruisseaux de Lanton, dont celui qui alimente le moulin.
Les salines de Lanton, dont le nombre passe de 75 à 45 livres, puis à 22 pour arriver enfin à 19 sont groupées sur la côte du Roumingue et le long du domaine Dussol (ou Dusol).
La surface endiguée est de 82 ha, pour une longueur totale de 3 km 800. Elles sont alimentées par des écluses en bois à l’origine, puis en moellons, compte tenu de leur coût d’entretien.
Au début, le bord des digues est engazonné, mais le procédé s’avère peu efficace contre l’érosion de la mer. Il devient nécessaire ensuite, de construire de petites palissades en brande tressée serrées, fixées par des piquets en bois (chêne, pin ou acacia) reliées avec du fil de fer galvanisé.
Bien que très modestes, les salines de Lanton produisent le meilleur sel du domaine, bien blanc et dépourvu à l’époque de toute pollution.
L’effectif des sauniers sur Lanton est de trois personnes chargées de cultiver de six à huit livres de sel, soit une surface de 13 à 17 ha.
Toujours pour agrandir son domaine de Lanton, Jean-Baptiste Langouran achète les terres de « la Houteyre, le bois du Renêt, et enfin, en 1761, le domaine Dussol qui s’étend du chemin de Certes jusqu’au presbytère et de l’église au ruisseau le Lanton.
À noter que ce territoire appartient à l’abbé Singlat, bien connu des amateurs d’archives pour ses écrits que l’on peut retrouver sur les registres paroissiaux dans lesquels il s’attache à noter avec moult détails tous les évènements qui surviennent sur la commune).
La fin de la période de prospérité
Malheureusement, la période faste due à la vente du sel est brutalement stoppée en 1773 par un arrêt du Conseil qui remet en cause tous les privilèges accordés en 1768.
En effet, les avantages accordés aux salines girondines sont très mal perçues par les fermiers généraux et les propriétaires saintongeais qui voient apparaître en Guyenne une concurrence désastreuse et même déloyale.
En fait, le crédit dont jouit le Marquis de Civrac auprès de la cour de Louis XV n’a pas résisté à celui du Maréchal Duc de Richelieu, à la tête des propriétaires des salines de Saintonge. Prétendant défendre les intérêts du Roi, il fait rétablir les taxes dont bénéficiaient les salines girondines, ce qui est catastrophique.
Les conséquences sont immédiates, tous les promoteurs de Certes, déjà en difficultés financières se retrouvent en état de cessation de paiement, voire de faillite. Tout le patrimoine du Marquis de Civrac est vendu, à l’exception de Certes dont personne ne veut.
Changement de destination…
Après avoir plus tard connu plusieurs propriétaires, puis transformés au XIXe siècle en réservoirs à poissons, ce qui sera à nouveau une belle source de profits, les marais de Certes sont, depuis 1984, propriété du Conservatoire du Littoral et l’ensemble du domaine est depuis 1989, géré par le Conseil Départemental.
Quelques bovins y ont été récemment réintroduits et un pêcheur d’anguilles maintient la tradition de cette activité particulièrement florissante autrefois.
Le sentier du littoral qui le jalonne est de plus en plus fréquenté par des promeneurs, mais l’intérieur du domaine reste un havre de paix pour la faune et la flore de ce secteur du Bassin.
Après son cuisant échec à Certes, Jean-Baptiste Langouran se consacre au négoce maritime en sa qualité d’armateur. En 1775, il possède encore trois navires et en loue sans doute d’autres pour lui permettre de continuer son commerce de sucre, de café et autres denrées coloniales. En bon Bordelais, il est aussi marchand de vin aux Chartrons.
Il décède en 1780, après avoir pratiquement liquidé tous ses biens afin de ne laisser aucune dette consécutive au désastre des salines de Lanton.
IB Pratic : Rens et inscriptions au 05 56 54 99 08 ou shaapb@orange.fr. Adhésion et/ou abonnement pour recevoir le Bulletin ici. Toutes les infos sur le site shaapb.fr
Illustrations SHAAPB
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