SOS Avocat : Contester les sanctions abusives liées au confinement…

SOS Droit : Vous avez été sanctionné de manière abusive pendant le confinement ? InfoBassin vous aide.

Par Maître Adrien Pujol, Avocat en Droit pénal à Bordeaux


28/05/20


Infractions pénales pendant le confinement : Les amendes et le délit de non-respect des autorisations de sortie ne sont pas toujours légales… Et vous pouvez contester !


Les sanctions pour non-respect du confinement ont connu plusieurs évolutions depuis le début du dispositif. Ainsi, trois stades étaient prévus par la loi d’urgence pour faire face au Covid-19 :

SOS avocat PV confinement1ère violation : contravention de 4è classe = amende de 135 € sous l’amende forfaitaire (375 si elle n’est pas honorée) ;


Nouvelle violation dans les 15 Jours suivant : contravention de 5è classe : amende de 1500 €. Le décret permet la forfaitisation de la contravention de 5è classe.


Triple verbalisations dans un délai de 30 jours, l’infraction devient un délit puni de 3 750 € d’amende et d’une peine d’emprisonnement de 6 mois maximum, sachant que des peines de travail d’intérêt général ou de suspension de permis pourront être prononcées.


Relaxe en application de la procédure pénale

Le 9 avril dernier, les juges du tribunal correctionnel de Rennes ont fait une stricte application de la procédure pénale. Le tribunal a en effet relaxé un individu à qui on reprochait d’avoir été verbalisé à 4 reprises pour avoir quitté son logement sans motif valide.

Ainsi, le nouveau délit de violations répétées du confinement a été jugé illégal par des juges rennais : les Infractions pénales pendant le confinement ont été jugées illégales.


Le principe déclaratif de l’information portée sur les attestations 

Premièrement, les attestations de sorties mises à disposition depuis le début du confinement supposent l’engagement sur l’honneur de la personne.

Le motif de la sortie doit être correctement coché et légitime. En pratique, l’appréciation relèvent au cas par cas de chaque agent.

Mais en aucun cas cela ne peut entraîner une invasion des agents de police dans la vie privée des citoyens : interdiction des fouilles de voiture, de justificatifs d’achats etc…


Le droit à contestation de chaque amende selon la requête en exonération

Deuxièmement, les procédures existantes prévoient un mécanisme similaire s’agissant de la contestation de l’amende forfaitaire. Ainsi, le contrevenant peut formuler dans le délai de 45 jours une requête en exonération auprès du service indiqué dans l’avis de contravention.

Au vu de la contestation, le ministère public peut soit renoncer à l’exercice des poursuites, soit les déclencher.

Autrement dit, tant que la ou les verbalisation(s) pour non-respect des règles du confinement ne sont pas payées ou n’ont pas fait l’objet de la réception d’une amende forfaitaire majorée, il ne peut y avoir de point de départ du décompte servant à récriminer le délit prévu par la loi du 23 mars 2020.


Problème en cas de triple réitération : création d’un délit illégal ?

sos avocat siret coronavirus balanceLa réitération plus de trois fois dans un délai de 30 jours, de violation des interdictions conformément à la loi du 23 mars 2020 prévoit une peine allant jusqu’à 6 mois d’emprisonnement et 3750 euros d’amende.

Or qui dit réitération d’une infraction, suppose que chacune des (trois) verbalisations antérieures ait été respectueuse de la loi.


Ainsi, chacune des verbalisations devrait être définitive (c’est-à-dire payée ou Amende forfaitaire majorée reçue) afin de pouvoir être prise en compte.

Dès lors par exemple une personne contrôlée et verbalisées à 3 reprises mais qui conteste les procès-verbaux, dispose d’un délai d’au moins 45 jours pour le faire.


Tant que ses deux premières infractions ne sont pas confirmées par un tribunal de police, il est donc considéré comme ne les ayant pas commises.

Pourtant, c’est une quatrième verbalisation qui va pouvoir potentiellement donner lieu à une interpellation. Puis une possible sa garde à vue. Et enfin une comparution devant le tribunal correctionnel. Et ce seulement pour avoir réitéré des faits pour lesquels la personne n’a pas encore été reconnue coupable.


Des difficultés juridiques et pratiques

La gradation des contraventions pour non-respect du principe de confinement se heurte au principe essentiel de notre droit pénal : la présomption d’innocence et l’intelligibilité de la loi pénale.

Chacun des sept cas de déplacement autorisé peut être sujet à une large interprétation.

Quelle définition retient-on du motif impérieux ? Ou encore à quoi correspondent les achats dits «de première nécessité » ?


Une Question Prioritaire de Constitutionnalité transmise à la Cour de cassation

De plus, le délit fixant une réitération des verbalisations à 3 reprises dans un délai de trente jours (4° alinéa de l’article L. 3136-1 du Code de la santé publique) ne permet pas de respecter le délai de 45 jours prévu pour la contestation des contraventions de 4ème classe visées au 3ème alinéa du même article. Ces sanctions répondent à une période d’urgence sanitaire d’exception mais ne devraient pas pour autant en faire oublier notre socle garantissant un État de droit et de libertés.

Notamment l’application du mécanisme de la récidive sans respect des règles de procédure pose question.


En réalité, il apparaît que le renouvellement de l’infraction qualifié comme élément matériel de l’infraction nouvelle emportant aggravation de la peine, est retenu sans s’assurer du caractère définitif de la première infraction. Ceci est totalement contestable.

C’est en ce sens que le Tribunal Judiciaire de Rennes a récemment ordonné la relaxe d’une personne traduite en comparution immédiate de ce chef.


Le tribunal judiciaire de Poitiers et Bobigny ont transmis à la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le délit créé en cas de non-respect du confinement à plus de trois reprises.

La cour de cassation doit prochainement transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au conseil constitutionnel afin qu’il se prononce. Pour plus d’infos sur cette QPC , voir ici


maillet balanceL’illégalité du fichier de constatation dit « ADOC » :

Quatrièmement, une autre irrégularité grave a été commise par les agents lors de la verbalisation. Le fichier utilisé pour constater qu’une personne a déjà été verbalisée auparavant.

En effet, le fichier centralisé « ADOC » pour Accès aux Dossiers des Contraventions a été créée en 2004. Il n’a donc jamais été prévu pour rechercher cette infraction nouvelle.

Ce fichier n’était applicable qu’au recensement des contraventions routières automatisées en temps réel.


Le régime applicable aux amendes forfaitaires et leur contestation :

Enfin, l’amende forfaitaire est classée par le Code de procédure pénale parmi les modes de jugements.

Ainsi, l’amende forfaitaire déroge en apparence à deux principes essentiels : le droit au recours au juge, et l’individualisation de la peine.

La procédure d’amende forfaitaire a pour objet historique les contraventions relevant de contentieux de masse comme la circulation routière.

Il existe depuis la loi du 18 novembre 2016 dans le Code de procédure pénale une section relative à « la procédure de l’amende forfaitaire applicable à certains délits » (C. proc. pén., art. 495-17 et s.).

Etaient initialement concernés les délits suivants : conduite sans permis, conduite sans assurance.


La réclamation : Comment contester une amende ?

Tout comme en matière de circulation routière, ne payez pas immédiatement l’amende en cas de doute.

A défaut de paiement ou de contestation dans les 45 jours, l’amende forfaitaire est majorée de plein droit. Et recouvrée en vertu d’un titre exécutoire.


Dans les 30 jours suivant l’envoi de l’avis d’amende forfaitaire majorée, celui-ci peut former auprès du ministère public une réclamation qui a pour effet d’annuler le titre exécutoire.

NB : Cette réclamation reste recevable tant que la peine n’est pas prescrite (Cass. crim., 6 décembre 2016). Et ce s’il ne résulte pas d’un acte d’exécution ou de tout autre moyen de preuve que l’intéressé a eu connaissance de l’amende forfaitaire majorée. (C. proc. pén., art. 495-19 ; art. 530)


Dans cette urgence, il est évident que se glissent des incompatibilités juridiques majeures et privatives pour les droits fondamentaux des personnes.

Preuve qu’il n’est jamais simple de réduire le champ des libertés individuelles sans en écorcher ses principes fondamentaux.

En cas de doute ou de contestation : n’hésitez pas à saisir un avocat dédié à la défense pénale et droits des libertés individuelles.



maitre pujol robeAdrien Pujol

Avocat et Médiateur des conflits agréé près les Cours de Bordeaux, Poitiers, Limoges, Agen et Pau

Demandes traitées sous 48h

Conseil téléphonique gratuit pour les lecteurs(trices) d’InfoBassin. Réponse sous 48h au 06.18.02.44.21. Plus d’infos sur pujol-avocat-mediateur.fr/conseils/

(Illustrations  : copies écran internet)



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