Dossier Pollution du Bassin : Une comédie dramatique en 5 actes…(2e partie)

Coup de chaud sur le Bassin d’Arcachon: Après la contamination au norovirus, le parquet ouvre une enquête. Le CRCAA lance un référendum pour une procédure judiciaire… Et les assos de défense de l’environnement portent plainte et manifestent !


16/01/24


Résumé : La pollution du Bassin d’Arcachon entraînant une contamination des huîtres au Norovirus a déclenché une épidémie sévère de gastro-entérite en pleine période de fin d’année.

Elle a été provoquée par la saturation et le débordement des réseaux d’eaux usées et d’eaux pluviales qui ont véhiculé le virus dans les eaux du Bassin et contaminé les huîtres.

Ce nouvel épisode a mis en exergue la responsabilité du SIBA (Syndicat Intercommunal du Bassin d’Arcachon) en tant que gestionnaire responsable de ces réseaux.


Ce n’est (hélas) pas la 1ere fois que les réseaux débordent, comme nous l’avons constaté dans nos colonnes à plusieurs reprises ces dernières années.

Pour le SIBA, alerté par les habitants, ou les associations de défense de l’environnement, il est toujours question de pluies rares, décennales, centennales, ne justifiant pas de modification de politique d’investissement… Mais ce coup-ci, l’argument ne fonctionne plus, avec une crise sanitaire inédite.




Quand la Gastro-entérite met en lumière une problématique récurrente

Une fois de plus, cette année, les débordements nauséabonds dans les rues, les fossés et les forêts auraient pu rester sous un silence coupable, n’eut-ce été l’épidémie foudroyante de gastro-entérite.

Là, c’était trop gros, et après le réveillon de Noël, le préfet a sifflé la fin de la partie en interdisant la vente et la consommation, en raison du Norovirus.

Si Noël était sauvé pour les ostréiculteurs, la suite de la période des fêtes et notamment le réveillon du nouvel an, allait constituer de grosses pertes financières (autour de 7 M€).


L’affaire prend une tournure baston politique

Le malaise s’est amplifié. Les huîtres avaient voyagé dans toute la France, et les habitants du Bassin ont intoxiqué malgré eux leurs proches à Paris, Lyon et ailleurs. Le sujet traité dans les media locaux puis au plan national a pris un visage politique et les armes sont sorties…


Une comédie dramatique en 5 actes


Acte 1

La députée face aux maires, façon western…



Sophie Panonacle, qui depuis son élection comme députée, n’a jamais vraiment été adoubée par les maires du Bassin, n’a pas raté l’occasion d’envoyer une salve aux maires du Bassin : « Le SIBA est responsable de l’intoxication des huîtres » a-t-elle déclaré dans plusieurs media.

Elle avait, en amont, pris langue avec Hervé Berville, Secrétaire d’État chargé de la Mer. En qualité de présidente du Conseil National de la Mer et des Littoraux (CNML), elle lui a demandé un soutien actif à la profession ostréicole face à la crise.


Acte 2

Le ministre lâche les indemnités, mais pas sans contre-partie

Face à la détresse des ostréiculteurs, l’argumentation de la députée et la pression du CRCAA, le ministre a ouvert la possibilité à indemnisation mais a aussi clairement fait savoir que les aides apportées aux ostréiculteurs n’avaient de sens que si en amont des mesures préventives, correctives et pérennes étaient mises en œuvre sur les réseaux. Le préfet a relayé cette « recommandation » au niveau local.


La députée du Bassin lance un groupe de travail au CNML

Parallèlement, en qualité de présidente du bureau du CNML, S. Panonacle a pris l’initiative de créer un nouveau groupe de travail pour réfléchir sur le financement de la filière ostréicole, et l’amélioration des réseaux de gestion des eaux usées qui ont contaminé le bassin d’Arcachon, les bassins de Vendée, de la Manche et du Calvados.

Ce groupe, co-présidé avec Philippe Le Gal, président du Comité national de la conchyliculture regroupe des membres du Conseil national de la mer et des littoraux : associations d’élus, professionnels, scientifiques et ONG environnementales.


Acte 3

Le SIBA se rebiffe

Pointés du doigt de tous cotés, les élus siégeant au Syndicat Intercommunal du Bassin n’ont guère apprécié la tonitruante sortie de la députée, les allusions du ministre et ont renvoyé la balle de 22LR à Sophie Panonacle dans un courrier bien senti :  «Nous n’acceptons pas vos propos. Nous regrettons de constater que, au cours des sept dernières années de votre mandat, vous n’avez jamais manifesté un intérêt pour participer à une action collective ni apporté un soutien, une expertise ou des financements sur ces sujets cruciaux. »

Et les élus demandent à l’Etat de prendre sa part sur l’addition qui serait nécessaire à la (lourde) rénovation des réseaux, dont la valeur mobilière est estimé à plus de 500M €.



Droit dans ses bottes, Yves Foulon, président du SIBA et maire d’Arcachon, assure, péremptoire : « Nous n’avons pas de responsabilité dans cette crise ».

Dans un entretien à notre confrère Sud Ouest, il attaque : « La plainte déposée contre nous est injuste. Le Siba met tout en œuvre pour préserver le plan d’eau. Nous dépensons chaque année 15 millions d’euros pour le réseau des eaux usées et trois millions pour le pluvial, depuis que nous en avons pris la compétence en 2018. »

« Du 29 octobre au 5 novembre, les pluies tombées ont été qualifiées de centennales non par le Siba mais par Météo France. C’est-à-dire des pluies comme il y en a une fois tous les cent ans. »


Bien tenté, sauf que les analyses pluviométriques des 10 dernières années sont loin de conforter cette déclaration et montrent des pics de pluies récurrents et importants voir le tableau ci-dessous


Précipitations enregistrées à Gujan-Mestras de 2012 à 2023. Site meteo-gujan.fr


Acte 4

Le parquet ouvre une enquête pour « écocide »



Le parquet a ouvert une enquête, pour « écocide » début janvier, confiée à la Gendarmerie (Brigade nautique d’Arcachon et OCLAESP (Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique).

Cela concerne des « déversements  de substances nuisibles pour la faune, la flore et la santé humaine, commis par imprudence ou négligence, ou de façon intentionnelle, par des personnes physiques ou morales… »


Les dépôts de plaintes se sont multipliés depuis les intoxications, notamment par:

-L’Association de Défense des Eaux du Bassin et Thierry Lafon, son président et ex-président des ostréiculteurs,

-La CEBA (Coordination environnement du bassin d’Arcachon), pour «pollution, intoxication et mise en danger d’autrui. ».



Acte 5

Le CRCAA lance un référendum pour lancer une procédure judiciaire (ou pas)

La grogne des ostréiculteurs monte en puissance, au-delà du problème financier, inquiets de voir leur outil de travail sujet à des pollutions récurrentes. De plus en plus veulent porter plainte.

Le Comité Régional de la Conchyliculture Arcachon Aquitaine (CRCAA) poussé par sa base, a lancé un référendum pour lancer une procédure judiciaire, avec pour objectif « d’établir la (les) cause (s) qui explique(ent) cette contamination et d’identifier les différents responsables, de façon opposable../... Elle prévoit la saisine du tribunal administratif de Bordeaux aux fins de voir nommer un expert par ce tribunal qui sera chargé des investigations et de se prononcer sur la(les) cause(s) de la contamination. »

Les réponses sont attendues avant le 16 janvier. On en saura plus ensuite, en fonction du résultat…


Les assos environnementales manifestent



Les associations de défense de l’environnement ont porté plainte au tribunal, veulent sensibiliser l’opinion et être entendues des pouvoirs publics.

Pour mettre la pression, elles proposent à tous les (vrais) amoureux du Bassin, une manifestation le samedi 20 janvier à 11h devant la mairie d’Audenge.

A suivre…


  Michel Lenoir

Photo du Bassin de Clément Viala photographe


Téléchargez notre application gratuite, et recevez nos infos directement, en cliquant sur les icônes !


 ou

Abonnez-vous par mail à InfoBassin, c’est gratuit !

Pour recevoir tous les articles d'InfoBassin...

Nous ne spammons pas !

Comments

comments

Laisser un commentaire