Humour satirique : L’UBERISATION (Petit Lexique de la Modernitude )

Esprit satirique hebdo : L’Ubérisation (les joies du vocabulaire de la Modernitude – Lettre U).


23/10/20


En exclusivité, InfoBassin vous délivre régulièrement un cadeau de deux auteurs pour vous rendre le sourire dans cette période tristounette.  Des extraits choisis du livre « Petit lexique de la modernitude », un bijou d’humour satirique, révélateur de certains travers de notre société, en phase totale avec l’esprit satirique d’InfoBassin…

Vous pouvez retrouver les épisodes précédents, ici


Ubérisation. – Néol.

uberisation moderdintude audignonVient de l’entreprise américaine UberCar. Idée de départ : mettre en contact direct et quasi immédiat, grâce à une appli* idoine, un client sans voiture et un prestataire avec voiture.

Il faut, schématiquement, pour cela : une plateforme numérique qui pèse des milliards de dollars et met en relation le client et le prestataire ; un client, qui règle la course directement à la plateforme (laquelle prélève une commission de 25 %) ; enfin le paiement du prestataire (un type généralement sans boulot) par la plateforme (sans oublier les 25 % de retenue).

Le client et le prestataire, toujours via l’appli, s’évaluent l’un l’autre.

Flicage des deux côtés, donc.


Les plateformes sont tenues par Uber, Amazon, Google, Goldman Sachs… Le succès d’Uber s’est étendu à la planète entière et gagne aujourd’hui de nombreux secteurs : hôtellerie (Airbnb, Booking.com) ; transports (en sus d’Uber, Blablacar notamment) ; bâtiment (rénovation énergétique, dépannages) ; les services à domicile (Deliveroo, Foodora, UberEats) et même le secteur du droit.

Le nombre de procès faits à ces entreprises égale probablement le nombre de leurs créations. Car, si le client est souvent satisfait, si les actionnaires sont sur un nuage (de billets), il en est qui ne sont pas du tout d’accord.


Les prestataires, d’abord, qui sont peu payés et que leur statut de travailleurs indépendants oblige à financer eux-mêmes, s’ils en ont les moyens, leur affiliation aux régimes de protection sociale et de prévoyance; ils découvrent par ailleurs la « cessation d’activité » immédiate, que de méchants esprits appellent « licenciement minute sans indemnités sans rien ».

Les professionnels, notamment les chauffeurs de taxi, ensuite, que cette concurrence peu loyale défrise.

Le fisc, enfin, qui ne voit quasiment rien passer des bénéfices engrangés par les multinationales qui tiennent le marché. Point de patrons, point de salariés, point d’impôts pour ceux qui s’enrichissent à milliards : le nouveau libéralisme numérique est en marche.


Mais l’avenir n’est pas si noir, et des reconversions sont possibles : pour une soirée réussie, les accords de branche constitueront des tabourets tout à fait acceptables, cependant qu’un empilage de Codes du travail fera une table basse très tendance qui vous vaudra des compliments.

Si au mur vous avez fait accrocher une photographie (en noir et blanc, c’est plus chic) des époux Macron, un murmure approbateur parcourra le groupe de vos invités. Le service sera effectué par d’anciens salariés avec l’obséquiosité imperceptiblement haineuse qui sied aux précaires et aux pauvres.



Usager.N. masc.

Individu abonné au gaz, à l’électricité et aux transports en commun. L’usager ne demande rien à personne, jusqu’au jour où son destin bascule. Il va devenir, à l’occasion d’une grève*, un otage*.  « […] La poursuite d’une grève qui a déjà coûté si cher aux usagers, qui n’ont pas à être pris en otages […]. » (Nicolas Sarkozy, novembre 2007).

Sorti de son tiroir par les médias, il est invité à exprimer son ressenti* : remonté comme un coucou suisse, il n’a pas de mots assez forts pour décrire sa galère* et fustiger les grévistes.


A suivre…


NDLR : Les mots en gras avec une étoile sont tous développés dans le livre

audignon modernitude



Vous trouverez d’autres définitions, en intégralité, dans le Petit lexique de la modernitude, de Jean-Marie Audignon et Pierre Laurendeau, Dessins / Signalétique de Michel Guérard. Ginkgo Editeur, collection L’ange du bizarre. 183 pages. 9€. 13cm X 19cm. A commander en librairie, ou sur internet ici ou


-Jean-Marie Audignon habite à Gujan-Mestras. Il a exercé bien des métiers, dont celui de correcteur à Sud Ouest, et de collaborateur du très regretté Pierre Desproges. Il fut aussi fournisseur de sketches pour la série « Merci Bernard » de Jean-Michel Ribes.


Pierre Laurendeau est un spécialiste de la langue française, il a écrit deux ouvrages sur le sujet, collaboré au Nouvel Observateur et codirigé un dictionnaire des difficultés. Plusieurs de ses textes ont été adaptés au théâtre.


Michel Guérard a illustré le livre avec une signalétique toute particulière…


IB


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