Humour et Faux Divers : L’huitre incroyable…

La tragédie ostréicole de Jojo et de Lulu-Lala


8/09/18



InfoBassin poursuit une série de révélations hebdomadaires avec Oncle François, observateur averti du Bassin, et correspondant (un peu allumé) de La Dépêche du Patelin…

Michel Lenoir, Directeur de Publication


huitre oncle francoisC’est assurément une aventure peu banale qui est arrivée, jeudi 16 décembre 1954, à Georges, “Jojo” Boeldieu, ostréiculteur à la Teste, descendant d’une famille vivant de la mer depuis des générations.

Ce jour-là, le Bassin était plongé dans le brouillard et dans un froid glacial, pendant cet hiver qui restera comme l’un des plus froid du siècle dernier.

Mais Noël est proche, et Georges n’a pas le choix : il faut aller aux parcs, à Arguin, pour chercher les huîtres, et préparer les commandes pour les fêtes.


Départ en mer

Alors, au petit jour, profitant de la marée, notre ostréiculteur embarque sur sa pinassotte, et prend la mer. L’air est vif, revigorant diront certains, mais surtout tellement gelé que Georges barre les yeux fermés.

Mais pas de problème, le Bassin, il connaît, même dans le brouillard…

Arrivé près de ses parcs, il remarque que Lucien Lacaze, dit Lulu-Lala, son confrère, concurrent, mais néanmoins ami, vient d’arriver à son tour.

Salut Lulu-Lala ! lui crie Georges ! Tu t’es gelé les noix ?

Té, tout comme toi, si tu en avais ! lui répond Lulu-Lala.


Après avoir bien ri de cette saillie qui ne manque pas, il est vrai, de piquant, les compères se mettent au travail, dans l’eau jusqu’à mi-cuisses…

Alors que Lulu-Lala, pour se donner du courage chante à tue-tête “Istanbul, Constantinople”, le dernier air à la mode de Dario Moreno, Jojo choisit consciencieusement les huîtres qui seront emballées le soir même par Jeannine, “Ninine”, sa femme.

En bon travailleur, il imagine déjà ce qu’il fera avec l’argent récolté pendant ces fêtes…Un moteur pour la pinassotte, un vélo pour Jean-Jean, pour aller à l’école, ou retaper la cabane, ce qu’il doit faire depuis longtemps…


Un gros caillou au fond de l’eau

Et c’est là que le drame commence à se nouer…soudain, son pied heurte quelque chose dans la vase et le sable. « Un caillou, ici, c’est peu probable » pense t-il.

Alors toujours du bout de la botte, il essaye de comprendre ce que c’est…Mais il n’y parvient pas. Intrigué, il décide, à l’aveugle, de plonger ses deux bras dans l’eau glacée, et il s’aperçoit qu’effectivement c’est un gros caillou.

Il essaye de le sortir de l’eau, et après moult difficultés, il y parvient !


Une huitre exceptionnelle

Et là, l’incroyable se passe ! Ce n’est pas une pierre, mais une huître, une huître énorme, un mollusque centenaire ! Interloqué, hébété, il parvient à appeler son copain.

–  « Viens voir, viens vite, » hurle t -il comme si l’huître allait partir en courant

–  « Putain, dit Lulu-Lala, qui avait le sens de la formule, elle fait au moins 30 kilos ! »

–  « Putain, répond Georges qui ne manquait pas de vocabulaire, au moins 30 kilos ! »


A partir de ce moment-là, les compères n’ont plus qu’une seule idée en tête : rentrer au port pour montrer la bête aux copains !

Avec ce type de découverte, ils allaient au moins faire la une du quotidien Sud-Ouest, et, qui sait, du “Journal de l’Ostréiculteur”, et pourquoi pas, un reportage sur Europe 1.

La gloire, l’improbable gloire à portée de main… Marcel Cerdan, Fausto Coppi, La Callas, le général de Gaulle ! Tout, tout à la fois !


Le moment du drame

Le travail a alors pris une vitesse supérieure : il fallait rentrer, vite, vite, vite.

Et c’est là que le drame se joue. Tellement excités, par leur trouvaille d’exception, les copains font quasiment la course pour être le premier à annoncer cette pêche miraculeuse.

Mais malheureusement, le destin allait frapper !

Alors que le brouillard se faisait de plus en plus épais, Lulu-Lala aborde par tribord l’embarcation de Jojo, qui manque de chavirer, et l’huître géante tombe alors dans les eaux troubles et profondes du Bassin.

Perdue à tout jamais…

Dépités, proche du suicide en duo, les hommes rentrent au port, la larme à l’œil.


Trop incroyable pour être crus

sardine oncle francoisIls se rendent directement au “Bar de la Marine”, pour raconter l’aventure à tous.

« Une huître de 30 kilos ? Ahahah ! Et pourquoi pas une sardine qui bouche le port de Marseille ? » attaque Nœnœil réputé pour sa subtile connaissance en histoires marseillaises…

« Mais les gars c’est vrai ! Grosse comme, comme, comme… »

« Comme quoi ? Messieurs les menteurs ?…Pourquoi pas grosse comme le monstre du Loquenaisse » renchérit Paul, le roi de la répartie, mais très approximatif en anglais.

-« C’est con ! Avec la coquille, tu aurais pu faire une piscine pour Jean-Jean », rigole La Morue…

Les deux copains sentent vite que, malgré tout ce qu’ils pourraient dire, ils ne seraient pas crus.


Un calvaire quotidien

Alors, commence un calvaire ! Quolibets et railleries sont leur quotidien. Pendant des mois…

Ils sortent peu de chez eux, seulement la nuit : dans la rue, Ils marchent tête basse, se perdent dans une inquiétante solitude.


Rapidement Lulu-Lala sombre dans un alcoolisme des plus sordide, buvant chaque jour, plusieurs bouteilles de pastis, en ne se nourrissant seulement que de cacahuètes.

Le soir, il chante, sur l’air d’“Istanbul Constantinople” : « Où qu’elle est, l’huître à Jojo ? », avant de sombrer dans un énième coma éthylique…


Quant à Georges, il fut admis très vite dans l’unité des grands agités de l’hôpital psychiatrique château Picon, à Bordeaux.

Son cri, qui déchirait la nuit, était toujours le même : « Elle existe, elle existe… Je l’ai trouvée, mais je l’ai perdue ! »

Légende ou réalité, depuis cet hiver maudit de 1954, de nombreux plongeurs cherchent encore, dans le fond du Bassin, “l’huître à Jojo”.

Pour l’instant, en vain…


A la semaine prochaine…


oncle Francois

Oncle François


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