Chronique d’un été bien chaud…
Humour satirique pour amoureux du Bassin: Les joies du camping… pour les riverains!
Par Alain Mouginet, écrivain, ancien éditeur, demeurant sur le Bassin.
28/06/25
Je ne sais pas vous, mais moi, les changements de température et la canicule me secouent la carcasse… ce qui fait ricaner ma chère tante Apolline, pour qui cet emballement du thermomètre est de la gnognote par rapport à ce qu’elle à vécu dans les pays tropicaux.
Apolline, l’exotisme colonial, l’amour en uniforme et les Piastres en bonus
Je vous avais en effet conté comment cette dernière s’était entichée d’un fringant officier de marine, dont le patronyme à particule fleurait bon une longue lignée attachée à la Royale. Elle s’était mariée, contre l’avis de la famille, avec cet homme d’âge mûr alors qu’elle-même était une toute jeune fille. Le bellâtre avait quitté l’armée et ils étaient tous deux partis chercher fortune dans ce qui était encore notre empire.
C’est donc en Indochine qu’ils s’étaient établis, lui comme patron d’une grosse société d’hévéa, elle se contentant de fréquenter les soirées des cercles d’expatriés, où, paraît-il, elle faisait forte impression… L’argent coulait à flots car son Charles-Henri profitait du taux de change de la Piastre* pour se créer une substantielle cagnotte. Cette vie facile dura quelques années, puis sentant le vent tourner, ils liquidèrent rapidement leurs biens et partirent dans notre colonie de Haute Volta – devenue depuis le Burkina Faso, ce qui veut dire « le pays des hommes intègres » – si ! si !
Là, l’ex-capitaine de frégate prit la direction d’une exploitation forestière qu’il fit prospérer… avant qu’une « mauvaise fièvre » ne l’emporte brusquement. Désormais seule, Apolline resta sur place encore quelque temps puis revint en France. Sa jeunesse, sa beauté… et son aisance financière attirèrent bien des convoitises, mais elle resta fidèle à ce premier amour. Ce qu’elle résume en raccourci par : « Mon petit, l’hygiène est une chose, l’amour en est une autre ! ».
Le charme discret du Bassin
Or donc il fait chaud, pourtant ces caprices du thermomètre sont ici largement supportables et je me félicite d’avoir élu domicile au bord du Bassin d’Arcachon, choisissant ainsi une vie apaisée en harmonie avec la nature et les marées. Au fil des saisons, la vie s’écoule paisiblement. L’été les baignades et les promenades rythment les journées. L’hiver, le silence feutré et les couleurs tendres invitent à la contemplation.
Le Bassin offre une douceur rare, faite de plaisirs simples : un plateau d’huîtres au coucher du soleil, une balade à vélo à travers la forêt, un marché animé aux senteurs iodées. C’est un vrai privilège, un art de vivre, une source quotidienne de bonheur.
Mais au-delà de la beauté des paysages, c’est un esprit qui règne : celui de la convivialité, de l’authenticité, d’un lien fort avec la mer. Vivre ici c’est trouver un équilibre entre le calme et l’énergie de l’océan, entre l’intimité des villages et la majesté de la nature.
Le camping, ce théâtre à ciel ouvert
Ce qu’ont bien compris d’ailleurs les nombreux touristes venus se ressourcer après une dure année de labeur, notamment ceux résidant dans un camping situé à quelques encablures de chez moi. J’ai ainsi le privilège de profiter des nombreuses animations qui rythment leur journée, et ce, au son délicat d’une sono à faire fuir tout être humain normalement constitué.
Ces activités légendaires débutent vers 10 heures par un « réveil musculaire » avec l’ami Kevin, animateur fraîchement nommé, qui confond étirement avec torture médiévale. Ses aboiements au micro nous parviennent distinctement et j’imagine d’ici le fabuleux spectacle des ventres rebondis tressautant au rythme d’une salsa endiablée…
Pendant ce temps-là, les résidents du mobil-home 42 observent, café à la main, ce spectacle digne d’un documentaire animalier.
A 14 heures, 38° à l’ombre. Grand tournoi de pétanque agrémenté musicalement par ce grand classique qu’est Tatta Yoyo. Trois litres de Ricard déjà ingurgités par les équipes et un suspense insoutenable : qui remportera le cochonnet en plastique fluo offert par le supermarché du coin ? Enfin, le clou du spectacle : la soirée Karaoké où l’on assassine Céline Dion sous le regard vide d’un animateur qui a déjà démissionné intérieurement.
Les enfants dansent, les parents boivent et le mec de l’emplacement 17, torse nu et tatouage «Johnny forever » demande pour la troisième fois à chanter « Le lac du Connemara ».
Et puis l’été se termine…
Mais toute bonne chose a une fin et ces braves gens ne tarderont pas à retrouver leurs logis, emportant avec eux des images plein la tête de ce bucolique Bassin d’Arcachon, sauvage et préservé….
*Pour les nuls en histoire : L’affaire des Piastres est un scandale financier qui a ébranlé la IVème République. En 1948, l’Indochine est française et bénéficie d’une monnaie propre : la Piastre. Son taux est indexé sur le Franc avec une particularité : ce que l’on échangeait sur place doublait en France métropolitaine. Ainsi, si vous arriviez à Saïgon avec 5000 francs en poche vous l’échangiez localement contre 590 Piastres. Ensuite vous alliez au bureau de change de l’Office indochinois envoyer ces 590 Piastres en France… qui se transformaient en 10.000 Francs. Sans rien faire, vous doubliez votre mise. (Pour en savoir plus, lire le livre de Jacques Despuech, Le trafic des Piastres).
Alain Mouginet
(Illustration généré par IA)
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